Tenségrité et Relation : le lien subtil entre nos mouvements et nos échanges
- tristanbrill
- 17 janv.
- 3 min de lecture
La tenségrité (tension+intégrité), c’est cette idée que la stabilité d’une structure repose sur l’équilibre entre forces de tension et de compression.
Rien n’est figé, tout est soutenu par des forces dynamiques et adaptables. Ce principe s’applique non seulement au corps dans les arts martiaux internes, mais aussi dans notre manière de nous relier aux autres.
Prenons l’exemple du Taichi Chuan.
Le corps y est perçu comme une structure vivante, dynamique et complexe. On ne cherche pas uniquement à placer ses membres dans une position correcte, mais à cultiver un équilibre subtil entre relâchement et tension. En Gong Bu, le Pas d’arc, la compression des jambes dans le sol soutient la posture, tandis que le haut du corps reste léger, soutenu par une tension douce mais dynamique. C'est un exemple de tenségrité, où chaque force se complète et s’harmonise avec l’autre, assurant une stabilité sans rigidité.
Les fascias jouent également un rôle central dans cette dynamique de tenségrité. Ce réseau de tissus conjonctifs, qui enveloppe et relie chaque muscle, os, et organe, est essentiel pour maintenir l’intégrité de la structure corporelle. Comme une toile d’araignée invisible, les fascias transmettent les forces de tension et de compression à travers tout le corps, assurant une continuité de mouvement et de soutien. Dans la pratique des arts martiaux internes, cette capacité des fascias à transmettre les forces tout en maintenant une certaine souplesse est cruciale. Ils permettent aux forces appliquées dans une partie du corps de se diffuser, créant une structure dynamique mais stable. Quand nous apprenons à travailler avec cette toile interne, à la détendre et à l’activer de manière consciente, nous augmentons notre fluidité et notre capacité à nous adapter aux forces externes, tout en préservant la stabilité interne. C’est un peu comme si les fascias formaient le lien invisible entre les différentes parties du corps, contribuant à ce que l’on ressent comme une “unité fonctionnelle” dans le mouvement, un principe au cœur même de la tenségrité.
Dans des pratiques comme le Systema, on joue beaucoup avec cette idée : le corps apprend à bouger librement tout en restant en mesure de recevoir ou rediriger la force extérieure. Cette capacité d’adaptation et de flexibilité, propre à la tenségrité, rappelle la manière dont le corps peut rester fluide et réactif sans perdre son intégrité.
Au-delà de la mécanique corporelle, ce principe peut également être appliqué à notre relation avec les autres. En effet, la tenségrité devient une métaphore de nos rapports humains. Tout comme dans un système en tenségrité, nos relations sont maintenues en équilibre grâce à des ajustements subtils entre tension et souplesse.
En Communication Non Violente (CNV), par exemple, l’idée est d’entrer en relation sans rigidité, d’ouvrir un espace pour écouter et comprendre l’autre sans être envahi par nos propres tensions ou jugements. C’est un peu comme dans un combat où, au lieu de résister à l’autre de manière frontale, on apprend à ajuster notre position pour absorber et rediriger la force sans la confronter directement. Cette capacité à se défaire de la rigidité mentale ou émotionnelle et à s’adapter dans nos échanges reflète parfaitement l’idée de tenségrité.
D’ailleurs, cette dynamique s’inscrit aussi dans ce qu’on appelle la Théorie Polyvagale. Elle postule que notre système nerveux régule constamment notre état de stress et de sécurité en fonction de notre environnement et de nos interactions. Lorsqu’on est en contact avec un autre être humain, notre corps réagit souvent à l’état émotionnel de l’autre. Une interaction équilibrée et respectueuse, où l’on peut donner et recevoir sans se sentir menacé, permet à notre système nerveux de se réguler et de rester en état de calme. Là encore le parallèle me saute aux yeux : une structure qui s’ajuste et s’adapte aux forces extérieures sans perdre son intégrité, maintenant ainsi son équilibre dynamique.... Non ? ;-p
En résumé, la tenségrité nous donne un exemple de structure dynamique dont le fonctionnement implique de ne pas trop rigidifier ni trop relâcher. L’équilibre, dans notre corps comme dans nos relations, passe par une tension subtile qui nous permet de rester forts et flexibles à la fois. Dans nos pratiques d’arts martiaux internes, nous recherchons cet équilibre pour bouger de façon fluide, mais dans notre vie quotidienne, il s’agit aussi de comprendre comment nous ajuster aux autres pour maintenir des relations saines et harmonieuses. La tenségrité devient alors non seulement une métaphore explicative du fonctionnement de notre corps, mais aussi un principe directeur pour nos interactions sociales et émotionnelles, soutenue par des fondements biologiques, comme ceux qu’illustrent la Théorie Polyvagale et la CNV.
Comments